Les acides aminés
Généralités sur les acides aminés
Acides aminés essentiels et non essentiels
Les acides aminés (AAs) sont des substances organiques contenant à la fois des groupements amines et acides. Il en existe plus de 500 AAs dans la nature mais seulement 21 AAs entrent dans la structure de base des protéines. Les AAs sont classés en deux catégories : les acides aminés essentiels (AAEs) et les non essentiels (AANEs) selon les besoins en lien avec la croissance et l’équilibre du métabolisme de l’homme.
Les AAEs sont des facteurs limitants. Leur synthèse reste faible et à une vitesse insuffisante, ils doivent donc être fournis en quantité adéquate par l’alimentation. Il s’agit des acides aminés branchés (AABs : leucine, isoleucine et valine), des acides aminés aromatiques (AAARs : phénylalanine et tryptophane), de la thréonine, l’histidine, la lysine et la méthionine (van Staveren, 2008). Au contraire, les acides aminés non essentiels (AANEs) peuvent être synthétisés en quantités suffisantes par l’organisme (Novelli, 2008 ; Phang, 2008).
Besoins en acides aminés
Les besoins en AAs sont à la fois qualitatifs et quantitatifs. Les exigences qualitatives sont liées aux types de fonctions (croissance, lactation, reproduction, réponses métaboliques, résistance aux maladies infectieuses, etc.). Les exigences quantitatives se rapportent à la quantité d’AAs nécessaires pour l’homéostasie au quotidien. Les valeurs des besoins nutritionnels en AAEs ont été déterminées sur la base du besoin azoté, puis par une réévaluation à l’aide de méthodes isotopiques. Le tableau 1 rapporte les valeurs des besoins en AAEs, validés par les organismes de santé référents, comme l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSAA) et l’OMS.
Fonctions physiologiques et métabolisme des AAs
Les résultats des différentes études indiquent que l’intestin grêle est le site majeur du catabolisme des AAs chez les humains et les animaux. Les AAs alimentaires sont absorbés dans l’intestin grêle pour effectuer leur entrée dans la circulation sanguine, établissant ainsi le profil plasmatique des AAs libres.
Les AAs interviennent à tous les niveaux du développement de l’organisme. En plus de la constitution des protéines, ils agissent en tant que régulateurs nutritionnels et physiologiques (Wang, 2008 ; Wu, 2009 ; 2013).
Dosage des acides aminés plasmatiques libres
Les corrélations entre les protéines alimentaires et les dosages des acides aminés (AAs) plasmatiques libres sont modestes (r=0,2). Cela veut dire que si on devait se fier uniquement à l’enquête alimentaire globale ou ciblée sur les protéines alimentaires pour dépister des risques de déficits et/ou d’excès en quantité de protéines alimentaires consommée par un patient, il ne serait possible de diagnostiquer un déficit et/ou excès en tel ou tel AA que dans 20% des cas. A contrario il y aurait 80% de faux négatifs.
Ce constat n’aurait pas forcément une répercussion à court terme en termes de santé si le déficit devait toucher un AA non essentiel (AANE), par contre le même raisonnement ne serait absolument pas applicable en présence d’un excès en AANEs et encore pire en cas d’excès en asparagine, acide aspartique, glutamine, glutamate, sérine, glycine…). En effet, un excès en ces AANEs, peut constituer un FR de cancérogenèse due à une reprogrammation métabolique.
Dans ce cas on est face d’un processus qui n’a pas rien à voir avec des apports en protéines alimentaires mais bien de processus endogènes.
Concernant les acides aminés essentiels (AAEs) un déficit a forcément des conséquences physiopathologiques ainsi qu’un excès. En effet pour certains AAEs comme les acides aminés branchés (AABs), la méthionine… le FR de cancérogenèse est lié à un déficit dû à une récupération intracellulaire ou un excès qui peut provenir de mutations des enzymes en charge du catabolisme…
Cette quasi-absence de corrélation ou corrélation modeste a amené les scientifiques à privilégier l’évaluation des AAs plasmatiques libres afin de réaliser un diagnostic objectif de déficit et/ou excès aussi bien en AAEs, sur lesquels on ne peut pas faire l’impasse, mais aussi sur les excès en AANEs parce qu’ils peuvent être des témoins précoces de cancérogenèse, de passage en NASH…
L’enquête alimentaire tout en étant subjective avec tous ses biais reste incontournable, ceci dans certaines situations comme la prévention du diabète de type 2, la restriction calorique… En effet elle permet au patient de prendre conscience de ses erreurs au niveau alimentaire et surtout d’identifier les aliments à diminuer ou à proscrire vu leur impact sur des paramètres comme la glycemie, l’insuline, le Homa/Quicki, les acides aminés branchés et aromatiques.
Néanmoins, seules les évaluations des acides aminés plasmatiques libres remplissent toutes les conditions pour évaluer la biodisponibilité des AAs englobant les apports en protéines alimentaires et/ou par complémentation en isolats de protéines ou AAs isolés ou combinés, l’assimilation, la digestion, l’anabolisme/catabolisme des AAs circulants et cellulaires, la reprogrammation métabolique, la protéolyse, l’autophagie…
Besoins en acides aminés
Les besoins en AAs sont à la fois qualitatifs et quantitatifs. Les exigences qualitatives sont liées aux types de fonctions (croissance, lactation, reproduction, réponses métaboliques, résistance aux maladies infectieuses, etc.). Les exigences quantitatives se rapportent à la quantité d’AAs nécessaires pour l’homéostasie au quotidien. Les valeurs des besoins nutritionnels en AAEs ont été déterminées sur la base du besoin azoté, puis par une réévaluation à l’aide de méthodes isotopiques. Le tableau 1 rapporte les valeurs des besoins en AAEs, validés par les organismes de santé référents, comme l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSAA) et l’OMS.
Conclusion
Les AAs interviennent dans différents processus métaboliques. Une variation des taux en AAs peut être un facteur de risque de certaines pathologies. En cas d’une déficience en AAs, il est conseillé d’augmenter la consommation en aliments riches en cet AA. En cas d’un déficit important voire d’une carence, il peut être légitime de proposer une supplémentation en AAs en respectant les doses recommandées. En cas d’excès d’un AA, vu qu’il s’agit rarement d’un excès d’apports en protéines alimentaires mais plutôt d’une dysrégulation métabolique, il s’agira de restreindre l’apport énergétique total (AET) en protéines en tenant compte des besoins spécifiques et recommandés.
FAO/WHO/UNU. (2007). Protein and amino acid requirements in human nutrition. Report of a joint FAO/WHO/UNU expert consultation. (WHO Technical Report Series No. 935). Geneva: World Health Organization.
Novelli et al. Amino Acids.2008 ; 32:295–297.
Phang et al. Amino Acids 2008;35:681–690.
Wang et al. Biochim Biophys Acta 2008 ; 1781(11-12) : 710-17.
Wu G. Amino Acids. 2013;45(3):407-11.
Wu G.,Amino Acids. 2009;37(1):1-17.
Signature des acides aminés et statut nutritionnel
De quoi s’agit-il ?
La métabolomique a permis d’identifier un certain nombre de signatures en lien avec le statut nutritionnel, dont un pan entier dédié au dépistage de certaines situations critiques.
Le dépistage de leurs perturbations (excès et/ou déficits) va rapporter une panoplie de renseignements dont certains pouvant s’avérer prédictifs de la survenue ou de l’aggravation de situations physiopathologiques.
Pourquoi doser la signature des acides aminés du statut nutritionnel ?
C’est la seule manière de dépister :
Des déficits en protéines (AAs) ne satisfaisant pas aux normes recommandées en fonction du sexe, de l’âge, de la sédentarité ou de l’activité physique.
Des déficiences causées par des erreurs congénitales de la synthèse des AAs. On peut citer par exemple le déficit en isoleucine (Arica, 2011), leucine (Baumgartner, 2001), valine (Yoo, 2007), phénylalanine (Al Hafid, 2015), arginine (Schlune, 2015), etc.
Des excès causés par des erreurs du métabolisme. On peut citer la valine (Tada, 1967), méthionine (Lawson-Yuen, 2006), tryptophane (Snedden, 1983), proline (Onenli-Lungson, 2004), etc.
Pour quels patients ?
Tous les nouveau-nés et enfants en bas âge pour dépister une maladie congénitale liée à la synthèse des AAs, à des troubles de l’anabolisme et du catabolisme des AAs, de l’assimilation et au niveau rénal.
Toutes les formes de déficiences causées par des insuffisances fonctionnelles ou organes pancréatiques.
Toutes les personnes âgées présentant une diminution de l’appétence par les protéines.
Al Hafid et al. Transl Pediatr 2015 ; 4(4) : 304-317.
Arica et al. Hum Exp Toxicol 2011.
Baumgartner et al. J Clin Invest 2001 ; 107(4) : 495-504.
Lawson-Yuen et al. Mol Genet Metab 2006 ; 88(3) : 201-7.
Schlune et al. Amino Acids 2015 ; 47(9) : 1751-62.
Snedden et al. Clin Chim Acta 1983 ; 131(3) : 247-56.
Tada et al. Pediatrics 1967 ; 39(6) : 813-7.
Yoo et al. Clin Chem Lab Med 2007 ; 45(11) : 1495-7.
Signature des acides aminés et restriction calorique
De quoi s’agit-il ?
La métabolomique a permis d’identifier un certain nombre de signatures métaboliques dans le cadre de la restriction calorique (RC), dont celle liée aux modifications des acides aminés (AAs) plasmatiques libres au cours du laps de temps passé en RC (Geidenstam, 2017). Pour cela il sera préférable, avant de débuter la RC, d’avoir identifié la signature des AAs au préalable, qui servira donc de témoin de base.
Pourquoi doser la signature des acides aminés dans la restriction calorique ?
Les modifications de la signature des AAs s’analyseront en fonction du type de RC préconisé. On peut citer trois exemples (non exhaustifs) :
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La RC où toutes les quantités en macronutriments (protéines, glucides et lipides) consommées seront diminuées de manière équivalente. Dans ce cas, il y a de fortes chances que des modifications, surtout des déficits en AAs surviennent.
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La RC où la signature des AAs a été identifiée avant de proposer au patient la mise en place de la RC. Ce dépistage préalable est à réaliser et surtout à exploiter de manière personnalisée en cas d’insulinorésistance connue ou d’une glycémie post-prandiale (GPP) dépassant 1,40 g/l. En effet, une diminution des acides aminés branchés (AABs : leucine, isoleucine, valine) et des acides aminés aromatiques (AAARs : phénylalanine, tyrosine) sera un élément positif en termes de santé, mais plus probablement un gage d’une perte de poids bien engagée. Cette diminution des AABs et des AAARs ne devra évidemment pas passer en dessous des besoins recommandés.
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La RC où la quantité de protéines consommée est nettement supérieure à la quantité habituelle (complément protéiné), il est fort probable, du moins durant la période initiale de ce type de démarche, qu’il n’y ait pas de déficits en AAs dépistés. Il sera très intéressant de connaitre la signature initiale en AAs car en cas d’excès en AABs et/ou en AAARs, les effets positifs recherchés ne pourront pas se manifester.
Pour quels patients ?
Les personnes concernées sont toutes celles qui ont décidé de perdre du poids. Un autre avantage non négligeable de l’utilisation de la signature des AAs sera lié au fait qu’on peut éviter ou restreindre la perte de masse maigre en surveillant les taux des AABs et d’autres acides aminés essentiels (AAEs). En effet, les AABs représentant 35% des AAs présents dans le muscle (Wu, 2013), une diminution de ces derniers lors d’une RC sera susceptible d’entrainer une perte musculaire.
Geidenstam et al. Int J Obes (Lond) 2017 ; 41(9) : 1369-1378.
Wu G. Amino Acids 2013 ; 45(3) : 407-11.
Signatures des acides aminés et obésité
De quoi s’agit-il ?
La métabolomique a permis d’identifier un certain nombre de signatures métaboliques dans l’obésité, dont celle liée aux perturbations des acides aminés (AAs) plasmatiques libres. Des excès et/ou des déficits ont été identifiés dans le cadre de l’obésité, perturbations auxquelles le microbiote intestinal participe activement. Ainsi, par exemple, certaines bactéries possèdent les gènes codant pour des enzymes nécessaires à la production de glutamate à partir de la glutamine, entrainant en cas de surexpression de ces gènes un excès en glutamate. Cet excès de glutamate peut perturber le fonctionnement du cerveau.
Pourquoi doser les signatures des acides aminés dans l’obésité ?
Les signatures des AAs, dans l’obésité, peuvent aussi bien être présentes chez les enfants et les pré-adolescents que les adolescents et les adultes. Néanmoins, ces signatures en acides aminés sont différentes pour les 2 tranches d’âge.
Chez les enfants et pré-adolescents, on note une nette augmentation des acides aminés branchés (AABs), qui permet de prédire de manière indépendante la survenue possible d’une insulinorésistance sur 18 mois (McCormack, 2013 ; Newbern, 2014).
Chez les adolescents et les adultes, l’augmentation des AABs et des acides aminés aromatiques (AAARs : phénylalanine et tyrosine) était corrélée à un fort indice de masse corporelle (Feliz, 1969) et à l’incidence de la survenue d’un diabète de type 2 (Wang, 2011 ; 2015).
Pour quels patients ?
L’indication princeps reste celle de l’obésité aussi bien chez les enfants et les pré-adolescents que chez les adolescents et les adultes.
Felig et al. N Engl J Med 1969 ; 281(15) : 811-6.
Mc Cormack et al. Pediatr Obes 2013 ; 8(1) : 52–61.
Newbern et al. J Clin Endocrinol Metab 2014 ; 99(12) : 4730–4739.
Wang et al. Nat Med 2011 ; 17 : 448-53.
Wang et al. Int J Epidemiol 2015 ; 44 : 623-37.
Signature des acides aminés du prédiabète
De quoi s’agit-il ?
L’apparition du diabète de type 2 (DT2) est précédée par une phase réversible appelée prédiabète. Cette phase est silencieuse au niveau clinique, mais elle ne l’est pas au niveau biologique. Ainsi, l’évaluation de la signature des acides aminés va constituer des témoins de risque d’incidence du DT2 à moyen terme.
Pourquoi doser la signature des acides aminés du prédiabète ?
Il s’agit de signatures comprenant les AABs (acides aminés branchés), les AAARs (acides aminés aromatiques) et la SHBG (Sex Hormon Binding Globulin).
La SHBG peut constituer un facteur de risque d’insulinorésistance et de DT2.
La diminution de la SHBG pourrait s’expliquer par le fait que l’insuline réduirait l’expression du gène SHBG.
L’augmentation plasmatique en isoleucine, tyrosine et/ou phénylalanine et dans une moindre mesure, la valine et la leucine, peut constituer un moyen permettant d’anticiper à plus ou moins long terme le développement d’un DT2. En cas d’augmentation de la concentration d’un ou plusieurs de ces 5 acides aminés, le risque d’incidence du DT2 est augmenté d’un facteur 2 à 7 (risque maximal d’incidence pour une augmentation simultanée des 5 acides aminés) (Wang, 2011 ; 2015).
Pour quels patients ?
L’évaluation des signatures du prédiabète concerne tous les patients avec des antécédents familiaux de DT2 ; dysglycémie à jeun entre 1,0 g/l à 1,28 g/l et une hyperglycémie post-prandiale (HGPP) entre 1,4 g/l à 2,0 g/l : que des altérations de la glycémie apparaissent à jeun, en post-prandiale ou dans les deux contextes, elles relèvent de ce qu’on appelle le prédiabète. Ce terme est approprié car en effet, sans intervention, ces altérations évolueront en DT2 dans près de 70% des cas, à plus ou moins long terme ; une augmentation de l’indice du HOMA et/ ou une diminution de l’indice du QUICKI ; un antécédent de diabète gestationnel ; un syndrome métabolique ; une obésité incluant celle touchant les enfants et adolescents.
Wang et al. Nat Med 2011 ; 17 : 448–453.
Wang et al. Int J Epidemiol 2015 ; 44 : 623-37.
Signature des acides aminés et régime vegan
De quoi s’agit-il ?
La métabolomique a permis d’identifier un certain nombre de signatures en lien avec le statut nutritionnel engendré par le régime vegan, dont une partie est due à une autre manière de satisfaire les besoins en protéines alimentaires donc en acides aminés (AAs). En effet, l’originalité est liée au fait que l’ensemble des protéines consommées sont exclusivement d’origine végétale, avec parfois une restriction complémentaire qui consiste en l’absence de protéines issues du soja.
Pourquoi doser les signatures des acides aminés liées au régime vegan ?
Une tendance se dégage au niveau de la signature des AAs, montrant des déficits en acides aminés branchés (AABs : leucine, isoleucine et valine), mais également en d’autres AAs dont certains essentiels (proline, lysine, méthionine et tryptophane) (Schmidt, 2016 ; Godja, 2017 ; Draper, 2018). De plus, il s’agit du seul moyen objectif de dépister un ou plusieurs déficits qui, comme on le sait, peuvent avoir à moyen terme des impacts non négligeables sur la santé ou l’aggravation de celle-ci.
Pour quels patients ?
Les personnes qui se sont tournées vers le régime vegan après avoir eu des habitudes alimentaires de type omnivore.
Toutes les personnes qui ont des besoins en protéines adaptés à leur tranche d’âge. On peut citer la période de l’enfance et de la pré-adolescence car les AAs sont des régulateurs de nombreuses fonctions clés physiologiques dont celles liées à la croissance et à l’équilibre hormonal. Il en sera de même lors de la phase de vieillissement où il sera vital d’assurer et de maintenir un capital musculaire optimal, chose qui n’est pas si aisée que cela, mais néanmoins possible à condition de s’y préparer à partir de la cinquantaine voire de la quarantaine.
Au total, l’évaluation objective des déficits en AAs, plus particulièrement les AAEs, n’est possible qu’à travers le dosage des AAs plasmatiques libres. De plus, cela permettra également de mettre en place une stratégie nutritionnelle personnalisée et d’en suivre l’impact.
Draper et al. Mol Nutr Food Res 2018 ; 62 : 1700703.
Godja et al. Eur J Clin Nutr 2017 ; 71(5) : 594-601.
Schmidt et al. Eur J Clin Nutr 2016 ; 70(3) : 306–312 ;
Signatures des acides aminés et NAFLD/NASH/Cirrhose non-alcoolique
De quoi s’agit-il ?
La métabolomique a permis d’identifier un certain nombre de signatures métaboliques dans la NAFLD (Non-Alcoholic Fatty Liver Disease), la NASH (Non-Alcoholic Steatohepatitis) et la cirrhose non-alcoolique. Parmi ces signatures, celles des acides aminés (AAs) plasmatiques libres liées à ces trois situations physiopathologiques sont différentes.
Pourquoi doser les signatures des acides aminés dans la NAFLD/NASH/Cirrhose non alcoolique ?
Dans la NAFLD, l’index GSG (glutamate/sérine + glycine) constitue un indicateur dynamique d’inflammation et de stress oxydant, variant selon l’avancement de la pathologie et du traitement appliqué (Gaggini, 2018).
Dans la NASH, on note une nette augmentation de plusieurs AAs, elle pourrait s’expliquer par une stimulation du turnover des protéines se produisant au moment du passage de la NAFLD à la NASH (Lake, 2015).
Dans la cirrhose non-alcoolique, il a été identifié que les taux en acides aminés branchés (AABs : leucine, isoleucine et valine) étaient diminués en parallèle avec l’augmentation de la fibrose (Kawanaka, 2015).
Pour quels patients ?
Chez tous les patients ayant déjà un diagnostic de NAFLD ou de NASH afin de compléter le panel de perturbations présentes et surtout proposer une prise en charge personnalisée, sur les protéines/AAs.
Chez tous les patients n’ayant pas encore de diagnostic de NAFLD ou de NASH mais ayant un syndrome métabolique avec une augmentation de la γ-GT et des transaminases, un surpoids voire une obésité. L’évaluation de la signature des AAs va compléter l’aide au diagnostic et surtout permettre d’envisager une prise en charge spécifique.
Gaggini et al. Hepatology 2018 ; 67(1) : 145-158.
Kawanaka et al. Hepat Med 2015 ; 7 : 29–35.
Lake et al. Amino Acids 2015 ; 47(3) : 603-15.
Signature des acides aminés et sarcopénie
De quoi s’agit-il ?
La métabolomique a permis d’identifier un certain nombre de signatures métaboliques dans le cadre de la sarcopénie, dont celle liée aux perturbations des acides aminés plasmatiques libres.
Historiquement, les premières identifications des signatures des acides aminés (AAs) ont été mises en évidence comme pouvant être associées à la diminution de la masse musculaire chez des personnes âgées, limitées physiquement (Lutsgarten, 2014). Cette équipe a dépisté la fameuse diminution du trinôme des acides aminés branchés (AABs : leucine, isoleucine et valine) et leurs métabolites. Le même constat sur les AABs a été retrouvé par une autre équipe (Yamada, 2018).
Pourquoi dose la signature des acides aminés dans la sarcopénie ?
La diminution des acides aminés essentiels (AAEs) de façon générale notamment les AABs, en particulier la leucine est rapportée dans les groupes dynapéniques (coexistence d’une perte de la masse, de la force et de la fonction musculaire) et sarcopéniques.
Une augmentation des taux en alanine et en proline ont été retrouvées dans les groupes d’hommes les plus inactifs âgés de 35-74 ans (Fukai, 2016), probablement liée par une protéolyse.
Pour quels patients ?
Toutes les personnes chez lesquelles a été posé le diagnostic de sarcopénie.
Dans le cadre d’une prévention au stade pré-sarcopénique, correspondant simplement à une diminution de la masse musculaire. Il est à noter que la masse musculaire diminue en moyenne de 1 à 2% par an après l’âge de 45-50 ans, puis de 3% à partir de 60 ans (Vandervoot, 2002). Ce déclin est à l’origine de la baisse de la qualité du muscle.
Des facteurs de risque de sarcopénie peuvent également inciter à faire une recherche de signature des AAs : on peut citer le diabète de type 2, l’obésité sarcopénique, l’action catabolique de certains médicaments, une nutrition inadéquate, une susceptibilité génétique, une ostéopénie…
Fukai et al. PLoS One 2016 ; 11(10) : e0164877.
Lutsgarten et al. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2014 ; 69(6) : 717-24.
Vandervoot et al. Muscle Nerve 2002 ; 25 : 17-25.
Yamada et al. J Nutr Health Aging 2018 ; 22(7) : 819-23.
Métabolites intestinaux issus des acides aminés branchés et aromatiques
De quoi s’agit-il ?
La fermentation des acides aminés branchés et aromatiques élargit le spectre des produits finaux de la fermentation.
Ainsi les régimes riches en protéines entrainent une augmentation des concentrations luminales des acides gras branchés (isobutyrate, isovalérate et n-valérate) produits par le microbiote à partir des acides aminés branchés. Le même processus s’applique pour d’autres métabolites intestinaux tels que le phénol, le p-crésol et l’hippurate fabriqués à partir des acides aminés aromatiques. Les bactéries participant principalement au catabolisme des protéines appartiennent aux familles des Lachnospiraceae, Erysipelotrichaceae et Clostridiaceae (Hugenholtz, 2018).
Pourquoi doser les métabolites issus des acides aminés branchés et aromatiques ?
Un excès de consommation en protéines et/ou une maldigestion protéique sont des causes communes à l’augmentation des métabolites intestinaux repris dans ce document. Ces métabolites ont dans l’ensemble des effets délétères. Parmi ces effets on peut citer leur intervention possible dans la survenue des dépressions, par interaction des protéines assurant la neurotransmission sympathique dans le cerveau.
L’isovalérate et l’isobutyrate font également partie des marqueurs perturbés dans le cadre des dysmétabolismes dont l’obésité et les NAFLD.
Pour quels patients ?
Les métabolites issus des acides aminés branchés et aromatiques constituent d’excellents marqueurs indirects d’une maldigestion protéique.
Il s’agit d’un constat intéressant car le diagnostic de maldigestion est souvent très difficile à poser : insuffisance de sécrétion d’enzymes protéolytiques pancréatiques ; présence d’antiprotéases dans les légumineuses et les céréales mal préparées, etc.
Ils peuvent compléter la panoplie des marqueurs utilisés dans le dépistage de l’inflammation intestinale (MICI et CCR en cours) et hépatique (NAFLD, etc).
Diether N.E, Willing B.P. Microorganismes 2019; 7: 19.
Hagenholtz et al. PLOS One 2018; 13(4): e0194066.
Szerzesniak et al. Nutr Neurosci 2016; 19(7): 279-83.
La reprogrammation métabolique
Préalable
Reprogrammation ou remodelage, en tout cas une réorganisation d’un certain nombre de voies biochimiques du métabolisme énergétique, mais aussi de la synthèse et de la dégradation de certains acides aminés (AAs) et de nombreux autres composés du vivant.
La rigidité métabolique
Obre (2014a) parle de « rigidité métabolique » où on voit des tissus qui ont par exemple un penchant pour tel ou tel substrat. Le cerveau va puiser son énergie à partir du glucose, du glycérol, des acides gras et des AAs comme les acides aminés branchés (AABs), etc. En clair, les tissus ont chacun leur manière de transformer les substrats qui leur conviennent.
La flexibilité métabolique
D’un autre côté, toujours Obre (2014a) définit la « flexibilité métabolique » où on oublie la fameuse rigidité selon des critères bien ordonnés pour passer sur un autre mode jalonné d’adaptations incroyablement sophistiquées ignorant les codes habituels de l’homéostasie. Ces mécanismes très structurés et fonctionnels peuvent être rencontrés dans les cancers (Thomas, 2019), les maladies métaboliques notamment le diabète de type 2 (DT2) (Sas, 2016), la NASH (Tsukamoto, 2015), les maladies mitochondriales, des maladies auto-immunes (Obre, 2014b), et depuis peu avec moins d’informations disponibles les maladies neurodégénératives (Cavallero-Hernandez, 2016 ; Szelechowski, 2018), la septicémie microbienne (Van Wyngene, 2018). Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.
Le remodelage ou reprogrammation métabolique
Peu importe le terme utilisé, il s’agit de modifications profondes dans les tissus qui sont ciblés et constituent clairement un facteur aggravant dans le cadre des pathologies décrites.
Ce phénomène de reprogrammation est évidemment plus délétère et handicapant pour l’organisme quand il s’agit d’un cancer. Il est plus robuste et plus perfectionné que dans les autres pathologies. En effet, pour les cellules tumorales, il s’agit de survivre face à la famine, aux thérapeutiques censées tuer les cellules tumorales d’où leur course folle à la recherche d’énergie, de nutriments et d’autres substrats à soustraire à l’humain.
Et si on prenait un peu d’avance
Un point commun, la reprogrammation métabolique existe et fait son travail de sape de manière silencieuse avec des années d’avance sur la survenue de la maladie ou la récidive de celle-ci. En effet, il y a depuis peu un certain nombre de marqueurs biologiques qui permettent de dépister certaines anomalies des voies de la reprogrammation métabolique. De plus, il est possible d’intervenir de manière personnalisée sur certains de ces dysfonctionnements métaboliques, à la phase pré-clinique.
Obre F. Régulation du métabolisme énergétique : étude du remodelage bioénergétique du cancer. www.theses.fr/2014BORD0349.
Obre F., Rossignol R. Int J Biochem Cell Biol 2015 ; 59 : 167-81.
Sas et al. JCI Insight 2016 ; 1(15) : e86976.
Thomas F. HumenSciences 2019.
Tsukamoto H. Pancreatology 2015 ; 15(6) : 561-565.
Van Wyngene et al. EMBO Molecular Medecine 2018 ; e8712 : 1-18.